Leboncoin Hôtel à l’offensive pour commencer à compter sur le marché domestique

La plateforme de petites annonces nourrit de grandes ambitions sur le marché hôtelier français après avoir racheté la technologie d’affiliation Pilgo en début d’année. Taux unique de commission à 10 %. Et même de 0 % jusqu’à fin 2020 pour « soutenir la destination France ». Partenariat avec des chaînes… L’enseigne multiplie les annonces et recrute des hôtels à tour de bras. Ne manquent plus que les clients !

La plateforme de petites annonces nourrit de grandes ambitions sur le marché hôtelier français après avoir racheté le moteur d'affiliation Pilgo en début d'année. Taux unique de commission à 10 %. Et même de 0 % jusqu'à fin 2020 pour "soutenir la destination France". Partenariat avec des chaînes... L'enseigne multiplie les annonces et recrute des hôtels à tour de bras. Ne manquent plus que les clients...

Capture d'écran d'un extrait de la page d'accueil le 25 juin.

Dernier en date de ses communiqués, Leboncoin Hôtel et Logis Hôtels ont dévoilé le 11 juin un « partenariat étroit de distribution. » 1600 Logis et Citotel en France pourront désormais se réserver à partir du site hotel.leboncoin.fr. Les onglets «Réserver» du site redirigeant vers les centrales des deux groupes. Leur système respectif traite donc lui-même les réservations et leur paiement.

Comme le précise Loïs de Jorna, directeur du développement du pôle hôtelier du Boncoin, Logis et le groupe Accor sont aujourd’hui les deux principaux groupes référencés. Ils cumulent à eux seuls 3 200 hôtels sur les 11 000 en théorie connectables. A la mi juin, 4 500 d’entre eux, soit 26 % du parc hôtelier français, étaient effectivement réservables. Dont une proportion importante d’enseignes Accor (Ibis, Mercure, Novotel en tête). Le groupe français fut a d’ailleurs le premier client de Pilgo, avant qu’elle ne devienne filiale à 100 % du Boncoin.

Cet effectif évolue toutefois très vite. Car une autre annonce du Boncoin en date du 2 juin, et pas petite celle-là, a créé le buzz dans l’hôtellerie. C’est le lancement de l’opération «  0% de commission sur les réservations jusqu’au 31 décembre 2020 ». Mesure la plus spectaculaire d’un plan de soutien que l’entreprise franco-norvégienne va consacrer au tourisme français.

Mesure qui  « va permettre aux hôteliers de reconstituer leur trésorerie », déclare-t-elle. Et lui permettre aussi d’accélérer sa captation du parc. Une tache à laquelle se consacre son équipe de cinq télévendeurs. Trésorerie en voie d’être reconstituée il y aura, si les clients finaux sont bien là, en quantité suffisante, au rendez-vous du Boncoin. Qui ne fournit pour l’instant aucun chiffre sur son trafic hôtelier.

L’hôtellerie manquait encore à une offre vacances déjà importante

Un rapide retour arrière s’avère indispensable pour comprendre comment le site multi spécialistes de PA a fini par pénétrer le marché hôtelier. A la fois par stratégie et par opportunité.  Leboncoin était déjà devenu un spécialiste des vacances, l’une de ces 12 grandes catégories d’offre (avec l’emploi, l’immobilier, les véhicules, la mode….).  Au point d’affirmer que 4 millions de Français partent chaque année en vacances par l’entremise de ses annonces. Le Boncoin revendique d’ailleurs être devenu le numéro 2 français de la location de vacances entre particuliers, derrière Airbnb. Lbc est très présent sur les gîtes, les maisons d’hôtes, les hébergements insolites, les campings. Il l’est également sur les ventes privées vacances depuis le rachat en juin 2019 de Locasun.

Mais il  ne l’était pas du tout sur les hôtels !  Et pourtant… Le secteur a cumulé 215 millions de nuitées en 2019 (Insee). L’hôtel demeure le premier mode d’hébergement collectif. Loin devant l’hôtellerie de plein air (129 millions de nuitées) et les résidences de tourisme, auberges et autres villages vacances (99 millions de nuitées). Les hôtels ont additionné 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires (HT) en 2018.

Leboncoin ne pouvait donc pas rester à l’écart d’un marché aussi important. Restait à trouver une passerelle pour y accéder. Par une acquisition bien ciblée, par exemple. L’entreprise est riche, dégage des résultats records. En 2018, Lbc France réalisait un chiffre d’affaires de 212,5 millions et un résultat net de 73,4 milions d’euros. Sa maison mère norvégienne, le groupe de marketplaces Adevinta, l’est aussi. Avec un Ebitda de 151 millions d’euros pour un CA de 594,6 millions d’euros. Raison pour laquelle l’une et l’autre multiplient les rachats. Restait à dénicher le bon véhicule. Leboncoin l’a peut-être trouvé.

Pilgo devient une marque blanche

Justement ! On ne compte plus les start-ups de distribution qui se lancent chaque année sur le marché des hébergements touristiques. En espérant imposer un modèle alternatif aux OTA’S. Au bout du compte, la majorité d’entre elles disparaissent. Ou, au mieux, végètent sur une niche de marché. Et puis il y a aussi les gros cadors, TripAdvisor et Google,  qui font d’autres métiers. Mais qui finissent eux-aussi par rêver de tailler des croupières à Booking.com et autres Expedia… Sans succès avéré.

Parmi ces start-up qui n’ont jamais décollé, il y avait Pilgo, lancé pourtant avec le soutien de l’Umih en 2016. Sa technologie pro direct avait séduit la confédération patronale. Elle permettait en effet de comparer les tarifs affichés par les distributeurs en ligne et de réserver en direct sur le site de l’hôtel ou de sa chaîne de rattachement. La liberté tarifaire introduite par la loi Macron le permettait.

Et puis Pilgo présentait aux yeux du syndicat des hôteliers l’autre avantage d’être moins gourmand en commission. Initialement, Pilgo adoptait le principe, aujourd’hui abandonné, d’une commission nominale par nuitée : 1,5 euro pour un hôtel une étoile, 2,5 euros pour un hôtel deux étoiles et jusqu’à 9 euros pour les hôtels de luxe.

Malgré un tour de table financier confortable (emmené par l’investisseur Charles Begbeider, actionnaire à 47 % à l’époque). Malgré une techno pointue. Pilgo fait pschitt deux ans plus tard. Ses dirigeants se rendent au constat que la marque ne pourrait pas poursuivre l’aventure en solitaire. Restait à trouver un partenaire. Pilgo approche d’abord Voyages-sncf.com (Oui.sncf aujourdhui) vers 2017 pour gérer son onglet Hôtel. Au temps où Franck Gervais dirigeait la plateforme. Il est devenu depuis le directeur d’Accor Europe. Un test était prévu en Espagne. Finalement, l’affaire ne se fera pas.

Leboncoin rachète 100 % du capital de Pilgo

Arrivent 2019 et Leboncoin. Qui n’y est pas allé par quatre chemins, en proposant de racheter 100 % du capital, pour faire de Pilgo son coeur technologique. La transaction est conclue en janvier 2020. Loïs de Jorna, l’un des deux cofondateurs reste dans la maison.

Sur le premier semestre, la plateforme n’a guère fait parler d’elle. Priorité est donnée à l’intégration technique et au développement du réseau. Les hôteliers connaissent, quand ils ne l’ignoraient pas déjà, son modèle de connexion aux systèmes de réservation des chaînes hôtelières (intégrées ou volontaires) et à ceux des hôtels indépendants non affiliés. Ils découvrent aussi son régime de taux unique de commission fixé à 10 %, de surcroît sur le hors taxes.

Nous arrivons à juin. Et l’annonce choc des 0 % de com, faite au moment même où le marché hôtelier redémarre. Leboncoin Hôtel va-t-progressivement faire bouger les lignes ? Du moins sur le marché  domestique, sa cible ? En 2019, ce marché là (celui des résidents réservant en France) représentait près de 138 millions de nuitées. Il est beaucoup trop tôt pour l’affirmer. Interrrogé par HR-infos, un groupe hôtelier présent sur le site ne voyait pas encore à la mi-juin de résa provenant de Lbc.

Le site du géant français de la PA dispose en tout cas de deux sérieux atouts. Le premier tient à la plateforme elle-même. Ses 24 millions de visiteurs uniques mensuels, toutes catégories d’offres additionnées. Et sa légitimité dans les annonces de voyages, catégorie qui attire chaque année 4 millions de français. 4,7 millions même en 2018 selon une étude d’impact économique et société du site réalisée par Archipel &Co.

Quelles promesses pour les clients ?

Le deuxième tient à la technologie Pilgo. Les hôteliers pourraient, a priori, en percevoir deux avantages : le taux de commission (sacrifié jusqu’en décembre et toujours plus bas que ceux des OTA’s à partir de 2021) et la propriété des données clients. En prenant l’hypothèse, toute théorique, d’une conversion de 1 % des VU, ce serait près de 3 millions de réservations qui pourraient chaque année transiter directement de Lbc vers les hôtels. Si on calcule la conversion sur les annonces voyages, avec un taux de 2 % cette fois, on approche le million de réservations.

Oui, mais voilà ! Les clients, justement, percevront-ils des bénéfices à passer par Leboncoin Hôtel ? Le site, pour l’instant, ne leur fait aucune promesse en ce sens. Contrairement à Fairbooking, par exemple, qui promet « le meilleur tarif garanti » et des « privilèges ». Promesses qui, pour autant, n’ont pas suffi à faire décoller cette plateforme pourtant portée par les hôteliers eux-mêmes.

Le contenu des pages du site hôtelier du Boncoin est actuellement limité au strict nécessaire. Une liste d’adresses, aléatoire ou filtrée (par prix et par nombre d’étoiles), comprenant une photo, le classement étoiles, le prix « à partir de » et l’onglet « Réserver », associée une carte, et dans le cas de certains groupes, une note client. Ce qui lui confère un aspect « annuaire » pas forcément attractif. Mais ce seront aux visiteurs d’en juger. Rendez-vous en septembre ou début 2021 pour savoir si Leboncoin a contribué à faire bouger un marché perclu d’inerties…

Douze vignettes de destination sur la page d’accueil du site

Quatre types de recherche : par saisie du nom de la destination dans l’onglet de recherche, par sélection du prix, par le nombre d’étoiles, par prix croissant ou décroissant.

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